Rencontre avec Pierre Bessé, président-directeur général

« Bessé n’est pas un distributeur de polices »

Publié le 31 janvier 2024 à 8h30

Stéphane Tufféry    Temps de lecture 7 minutes

Le patron du courtier conseil Bessé revient sur l’exercice 2023 et sur l’environnement de marché des risques d’entreprises à la veille des Rencontres de l’Amrae, qui réunissent début février à Deauville tout le petit monde des grands risques. Pierre Bessé revient aussi sur sa stratégie pour pérenniser son modèle d’affaires alors que l’entreprise change de dimension.

Propos recueillis par Stéphane Tufféry

Quel bilan faites-vous de l’exercice passé pour Bessé ?

Après un exercice 2022 à 6 % de croissance, l’an dernier a marqué un palier relatif dans notre dynamique de développement : notre activité est restée étale, à 135 M€ de chiffres d’affaires pour un milliard d’euros de primes placées.

Quelles sont les explications à cette stabilité des revenus ?

Cette stabilité temporaire ne me dérange pas. 2023 a constitué une pause après un cycle de développement de trois années consécutives. De 2020 à 2022, Bessé a progressé de près de 15 %. Après cette phase de développement, purement organique je tiens à le souligner, l’enjeu RH est devenu très prégnant avec la volonté stratégique de préserver l’ADN de Bessé tout en réalisant sa nécessaire transformation. Le groupe compte désormais plus de 500 collaborateurs et notre intention est de continuer à grandir sans grossir.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire continuer à grandir et à développer notre activité grâce à une stratégie de croissance organique, nécessaire selon moi pour préserver notre ADN, nos valeurs et notre façon d’exercer notre métier. Pour y parvenir, les RH sont un enjeu majeur. En 2023, Bessé a créé 35 postes nouveaux et au total 70 collaborateurs sont arrivés. C’est 13 % de l’effectif total et de fait, l’enjeu de leur intégration et de leur formation a pris beaucoup d’importance. En parallèle, plus de 30 collaborateurs ont changé de métier au sein de l’entreprise, c’est 7 % de l’effectif et ces mobilités internes sont relativement nouvelles pour nous. Notre enjeu était aussi de nous mettre en ordre de marche pour faire baisser le turnover qui était monté en 2021, comme sur tout le marché, à la suite de la pandémie de Covid-19.

Comment vous y êtes-vous pris ?

C’est un gros travail qu’a mené Charlotte Debieuvre, notre nouvelle DRH, qui nous a rejoint à l’automne 2022, aux côtés des équipes. Les résultats sont au rendez-vous : après deux ans de tension pour recruter, Bessé est à nouveau attractif. Nous avons également imaginé et mis en place l’école Bessé. Un lieu de transmission pour accompagner l’intégration des nouveaux collaborateurs et leur insuffler les valeurs de l’entreprise. Je considère que l’humain, notamment l’engagement et l’implication des femmes et des hommes qui, au quotidien, apportent le service, le conseil, l’accompagnement à nos clients et à nos marchés, est la clé de notre réussite.

Jusqu’à récemment, cet accompagnement n’était pas formalisé et se faisait tout naturellement au fil de la relation de travail. Mais en se développant et en changeant d’échelle, l’entreprise risquait de perdre son âme. C’est pourquoi nous nous sommes attachés à formaliser cette transmission du savoir et de la culture Bessé ainsi que le sens de notre travail au service des entreprises que nous conseillons.

Comment cela s’est-il traduit concrètement ?

J’y pensais depuis longtemps et c’est pendant la pandémie que nous avons vraiment lancé les choses. Nous avons d’abord travaillé sur nos valeurs et défini quatre piliers que sont le savoir-être, la confiance, la créativité et la fierté. Et à partir de ces socles, nous avons mis au point des séances de formation « participative » auxquelles tous les collaborateurs ont participé en présence d’un psychologue spécialiste de l’approche émo-comportementale. Cette capacité de transmission est pour moi fondamentale. Bessé est une société familiale, patrimoniale et indépendante. Les décisions et les orientations, ainsi que les choix stratégiques que nous faisons, s’inscrivent dans la durée. C’est tout à fait différenciant pour nos clients. Nous ne sommes pas soumis aux contraintes à court terme des marchés. Nous construisons ainsi notre développement avec une vraie vision à long terme. Nous investissons dans nos équipes, nous les formons, nous les accompagnons dans leur développement. Et cet investissement apporte une valeur considérable à nos clients.

Y aura-t-il d’autres étapes ?

Conserver et pérenniser l’ADN de Bessé est une véritable obsession. Depuis plus de soixante ans, avec ses valeurs et son indépendance, Bessé s’est imposé au fil du temps comme l’un des leaders français. Cet acquis doit perdurer et nous avons prévu en 2024 un plan de formation autour de nos quatre piliers (confiance, créativité, savoir-être et fierté) mais cette fois dans leur sous-jacent et pour des sessions plus concrètes et opérationnelles.

Vous n’évoquez pas la responsabilité sociale et environnementale de Bessé ?

Au contraire, c’est notre principal engagement. La responsabilité sociétale et environnementale des entreprises est un enjeu central. Pour Bessé, cette démarche s’articule autour de quatre dimensions clés : l’engagement en faveur de nos collaboratrices et collaborateurs ; la réduction de notre empreinte environnementale ; être actif, reconnu et solidaire dans nos territoires ; et accompagner nos clients dans leurs actions de transitions énergétiques et face au réchauffement climatique. Et tout cela passe par l’action. Mon ambition est que Bessé soit « RSE » dans sa posture, sa façon d’être, ses offres de services, comme dans ses réponses aux clients.

Et la croissance externe ?

Je ne suis pas fermé dès lors que j’ajoute des compétences à l’entreprise. Toutefois et contrairement à certains de mes concurrents, je ne suis pas friand de croissance externe. D’ailleurs en soixante ans d’existence, Bessé n’a réalisé que quatre acquisitions. Notre organisation par filières, alors que la plupart des courtiers s’organisent en fonction de la matière assurable, explique ce prisme pour la croissance organique. Cette particularité stratégique nous donne à la fois de la profondeur de développement, puisque les filières que nous travaillons, comme l’énergie et notamment l’énergie marine renouvelable (EMR) ainsi que le nucléaire ou le secteur de l’agroalimentaire, sont des secteurs aux sous-jacents considérables. Et cela se traduit aussi par des équipes internes plus diverses et spécialisées que chez mes confrères, avec par exemple des ingénieurs agronomes, des officiers mécaniciens de la marine nationale ou encore des professionnels de l’énergie. Des profils que vous ne retrouvez pas ailleurs dans l’assurance !

Quel a été le contexte des renouvellements 2024 ?

Les enjeux de placement de risques sont remontés au plus haut niveau stratégique des entreprises. Par ailleurs, le marché de l’assurance s’est assoupli et se montre aussi plus intelligent que ces deux dernières années mais il est surtout plus technique pour ces renouvellements. Il nous oblige à être capables de présenter aux assureurs le plus précisément possible le risque afin de bénéficier des meilleures conditions. Ce qui est une bonne chose en général et plus particulièrement pour nous car cela correspond à notre façon de faire. De notre côté, nous avons consolidé nos positions dans l’agroalimentaire avec quelques belles affaires nouvelles et l’ensemble de nos filières de spécialités se sont bien comportées à l’exception de notre pôle immobilier & construction dont le sous-jacent s’est contracté. La promotion immobilière, en particulier avec des niveaux de réservation de biens à construire, a fondu de plus de moitié par rapport à 2022.

Quelles sont vos ambitions pour l’année qui s’ouvre ?

Le travail de Bessé restera cette année de repousser les limites de l’assurance pour permettre à nos clients de bien faire leur métier. Et cette ambition signifie du sur-mesure, de la créativité, de nouvelles solutions de transfert, des garanties innovantes… Je ne distribue pas des polices d’assurance. La plupart des contrats que nous mettons en place chez nos clients ont été développés ici sur la base des risques propres de l’entreprise que nous conseillons.

Nous avons en 2023 et pour la 3e édition consécutive été classé à la première place du seul Baromètre de satisfaction des risk managers. Cette enquête, réalisée par Golder & Partners et OMC, a interrogé 200 risk managers de grandes entreprises françaises sur la qualité de service des grands courtiers. Mon ambition est de conserver cette proximité et cette reconnaissance de notre écosystème.

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