Rencontre avec Paolo Ribotta, directeur général de Zurich France

« Chez Zurich, l’assurance est tout sauf une commodité »

Publié le 27 novembre 2023 à 8h35

Stéphane Tufféry    Temps de lecture 7 minutes

À la fois ex et nouveau patron de Zurich France, Paolo Ribotta fait le bilan des profondes transformations de la compagnie ces dernières années, décline ses chiffres pour l’exercice en cours, et présente sa stratégie pour 2024.

Quels constats faites-vous à la direction générale de Zurich pour la France depuis ce printemps ?

Zurich en France ouvre actuellement un nouveau chapitre. Mon arrivée coïncide avec l’ouverture d’une nouvelle phase de développement. C’est enthousiasmant de décliner une stratégie de croissance et Zurich France va boucler l’exercice 2023 sur une progression de son activité supérieure à 7 %, à 380 M€ ; je suis pleinement conscient que ce développement est le résultat des efforts fournis sur les deux périodes précédentes.

Quelles ont été ces deux périodes pour l’entreprise ?

De 2017 à 2019, mes prédécesseurs ont eu à opérer une remise à niveau de nos opérations, avec des choix souvent difficiles comme l’arrêt de certaines branches. Le bas de cycle du marché des risques d’entreprises (seul marché sur lequel nous opérons) a duré plus de dix ans et a eu des conséquences négatives sur les résultats opérationnels de toutes les branches pratiquées. Ce contexte a été long et douloureux pour tout le marché. Mais Zurich en France a su réagir pour stopper les pertes et se remettre à niveau. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe Zurich a pris la décision de ne plus souscrire la ligne des risques politiques et Zurich France a suivi cette orientation. L’entreprise a également choisi de ne plus souscrire les risques des opérations de fusion & acquisition (M&A), faute de taille critique et d’un matelas de primes suffisants pour faire face aux sinistres coûteux sur cette ligne. Zurich a de même arrêté de souscrire la RC pro de certaines professions réglementées que nous accompagnions jusqu’alors.

Comment s’est ouverte la décennie 2020 ?

Ces choix difficiles opérés entre 2017 et 2019 ont eu des incidences mais ils ont porté leurs fruits et ont permis d’engager un nouveau cycle à partir de 2020 qui correspond à la remise en ordre de marche de Zurich France et au retour à la rentabilité de nos opérations. Durant trois ans, nous avons été clairs sur notre politique de souscription et notre appétit aux risques. La capacité déployée sur nos principales branches d’activité que sont les dommages aux biens, la construction, la RC et les lignes financières est restée constante, la discipline de souscription également. Au final, nous avons renoué avec des résultats techniques bénéficiaires et enregistré des ratios combinés nets depuis 2020 compris entre 92 et 94 %. Nous avons aussi pu compenser les départs de la période précédente en accueillant de nouveaux collaborateurs. Aujourd’hui, notre effectif de 210 salariés chez Zurich France est le même qu’en 2017. De plus, nous avons tiré le meilleur parti du changement de cycle tarifaire qui se poursuit depuis trois ans, car nous étions en ordre de marche.

Et depuis votre arrivée ?

Zurich France réalise un bel exercice 2023 tant sur le plan des revenus que des résultats techniques. Surtout, notre stratégie de développement s’est traduite par deux lignes d’activité nouvelles cette année. La ligne Accident & Health, c’est-à-dire l’individuelle accident et la maladie des collaborateurs en déplacement pour leur entreprise. Et la ligne caution assurantielle, qui compte tenu du contexte de resserrement des conditions de financement opéré par les banques ces derniers mois constitue une bonne alternative à la caution bancaire.

Quel est le détail de votre stratégie de croissance ?

Notre développement s’appuie sur trois axes distincts. D’abord, la qualité de nos services et solutions. L’assurance est tout sauf une commodité ; c’est une conviction très forte de Zurich et c’est pour ça que nous mettons en œuvre des solutions à haute valeur ajoutée comme Zurich Resilience Solutions qui est notre bras armé en matière de conseil et nous permet de nous différencier sur le marché. Nous réalisons aujourd’hui des missions de conseil auprès de quatre grands groupes du marché français sur le thème du changement climatique avec une quantification très fine des expositions et les solutions de transfert ou de rétention idoines. Mais ZRS, c’est surtout une offre sur-mesure pour accompagner nos clients dans l’anticipation et la gestion des risques climatiques ou cyber auxquels ils s’exposent afin de renforcer leur résilience, et ce à l’échelle internationale sur la base de l’analyse en temps réel de données massives parmi lesquelles les travaux du Giec notamment.

Pour cet axe services et solutions, nous investissons grandement pour l’amélioration de la résilience climatique et de la quantification du risque cyber, en nouant des partenariats de premier rang comme avec KPGM récemment en Suisse.<br/>La qualité de services et des solutions que nous déclinons n’oblige pas à réinventer la roue à chaque fois. Par exemple, les programmes internationaux font partie intégrante de l’ADN de Zurich. Dans le portefeuille d’affaires de Zurich France, nous comptons 200 programmes internationaux pour lesquels nous émettons 1 700 polices à travers le monde ; de la même façon, nous gérons des milliers de polices françaises pour le compte d’entreprises étrangères actives en France. Il se trouve que de nouveaux besoins émergent autour de la transition énergétique, des ENR, de la prévention et ingénierie… Globalement, les risques qui pèsent aujourd’hui sur l’entreprise sont sans commune mesure avec ceux d’il y a seulement dix ans et que nous pouvions porter à l’échelle de l’entreprise.

C’est-à-dire ?

Le changement climatique, le risque cyber, les tensions géopolitiques, les nouveaux besoins RH et attentes des salariés nécessitent des approches nouvelles de gestion des risques. L’association et la mutualisation entre industriels, les captives, les partenariats public-privé sont à même d’amoindrir ces risques mais ce sont en général des solutions partenariales qui rompent avec les traditions du marché et que Zurich entend accompagner. Les parties prenantes sont plus nombreuses que par le passé, les interdépendances également. Comme je l’ai dit, le groupe vient de nouer un partenariat en Suisse avec KPMG pour une extension de notre service Climate Resilience déjà existant. C’est un partenariat pour lequel KPMG Suisse nous permettra d’accompagner nos clients dans la gestion de leurs risques de transition. Nous investissons beaucoup pour disposer des meilleurs outils au service des risk managers et nous allons continuer d’investir sur toute la période du plan stratégique.

Quels sont les deux autres axes de votre stratégie ?

Zurich France va travailler au renforcement de ses équipes. Dans le cadre de l’accompagnement sinistres, nous venons de mettre en place au service de nos grands clients un interlocuteur unique basé à Paris en cas de sinistre. Il est l’unique interlocuteur où que celui-ci soit situé dans le monde et quelle que soit la branche concernée. Mon objectif est de renforcer les équipes et d’améliorer la technicité de chaque collaborateur. Enfin, le troisième axe de la stratégie que nous déclinons concerne les courtiers apporteurs d’affaires. J’entends développer l’animation commerciale tant des principaux courtiers, que de l’ensemble de nos 240 partenaires. C’est pourquoi nous investissons aussi en régions auprès du courtage avec près de 70 collaborateurs dédiés à la souscription et aux sinistres.

Zurich France travaille-t-il avec des « Managing General Agents » comme il s’en développe beaucoup actuellement ?

Absolument, notamment auprès du segment des PME sur lequel nous avons de fortes ambitions. Aujourd’hui, nous travaillons avec trois MGA en construction mais aussi sur notre nouvelle ligne Accident & Health et sur les lignes financières.

Quel rôle jouez-vous sur le marché en plein boum des structures captives ?

Nous comptons onze captives en portefeuille et quatre sont en cours d’études de faisabilité ou de finalisation. Zurich opère le fronting de ces captives, réalise le reporting et la gestion mais aussi encaisse les primes de la rétrocession. Selon moi, le développement de telles structures est un signe de maturité du marché et aide à l’optimisation de la gestion des risques de nos clients qui en sont dotés ; en outre, il reste toujours un besoin de transfert de certains risques auquel nous nous attachons à répondre dans une logique partenariale.

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