Patrick Blanchard, directeur général de Smacl assurances

« L’objectif de Smacl n’est pas de faire du volume mais de retrouver la rentabilité »

Publié le 11 mai 2023 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 6 minutes

Les sinistres climatiques de 2022 ont pesé lourdement dans les comptes des assureurs dommages, dont Smacl assurances qui entame une procédure de maîtrise de ses risques. Dans ces conditions, son directeur général, Patrick Blanchard, s’inquiète de l’assurabilité des collectivités alors que les assureurs se retirent progressivement de ce marché.

Comment l'année 2022 s'est-elle conclue pour Smacl du point de vue des climatiques ?

Nous avons été particulièrement concernés par les tempêtes hivernales de février et par la grêle de mai-juin. Au total, les climatiques ont coûté à Smacl 85 M€ dont 82 M€ pour les personnes morales (79 M€ en dommages aux biens) et 3 M€ pour les personnes physiques (2,6 M€ en dommages aux biens). Peu de communes ont été touchées, mais celles-ci ont subi beaucoup de dommages quels que soient les bâtiments ; certaines toitures ont été visiblement attaquées, d’autres significativement fragilisées mais se révélant quelques semaines plus tard. De fait, notre S/P s’est dégradé : de 70 % en 2021, il est passé à 80 % en 2022. L'an dernier est en outre un exercice avec une fréquence élevée de sinistres de moyenne intensité tels les incendies ou les dommages corporels.

Quel effet le rapprochement avec Maif a-t-il eu ?

Nous étions dans une position délicate car nous étions déficitaires en 2021. 2022 a fortement entamé le résultat. Nous avons conclu l’exercice 2022 avec des pertes de 139 M€ mais que nous avons pu mettre en regard de l’augmentation de capital de Maif de 140 M€. Sur les 85 M€ de pertes climatiques, le coût net de réassurance a finalement été de 40 M€. Et nous avons également rechargé nos provisions.

Votre niveau de provision est-il satisfaisant aujourd’hui ?

Nous avons provisionné 60 M€ au titre de l’exercice 2022. En faisant cela, nous sommes revenus à des normes de marché. Maif a des règles de provisionnement précautionneuses et nous sommes en-deçà de ce qu’elle préconise mais cela a été le fruit de discussions entre nous.

Quelles mesures de redressement avez-vous adoptées ?

Par le passé, Smacl s’est positionnée sur des marchés qui n’étaient pas toujours rentables, en parallèle de son marché cible des collectivités territoriales, comme les marchés des entreprises et des particuliers. Nous avons décidé d’arrêter le marché des particuliers. Nous l’avons annoncé à nos assurés dès l’année dernière et nous sommes maintenant en train d’accompagner nos sociétaires vers des offres Maif.

Sur le marché des entreprises, également déficitaire, nous avons engagé un plan de redressement en passant par l’augmentation significative de la tarification ou dans le pire des cas par la résiliation. Nous anticipons une baisse de moitié de notre activité sur ce marché pour revenir à la rentabilité en 2024.

Le marché d’assurance des collectivités territoriales est-il rentable ?

Les climatiques jouent un rôle mais les caractéristiques de ce marché sont aussi à prendre en compte. Smacl avait une tarification en décalage par rapport à la sinistralité réelle. Nous sommes donc entrés dans une phase de maîtrise de nos risques de souscription : appréhender de manière la plus approfondie possible le risque que nous assurons, de façon à proposer une tarification au plus juste. L’objectif n’est pas de faire du volume mais de retrouver la rentabilité. Faire en sorte que notre modèle économique soit pérenne et en phase avec les besoins d’accompagnement de nos sociétaires. Nous allons aussi continuer à renforcer nos règles de provisionnement de façon à pouvoir toujours être en capacité de répondre à nos engagements.

L’assurabilité des collectivités est-elle en cause face au changement climatique ?

L’assurabilité est une vraie préoccupation pour nous. Les collectivités peinent de plus en plus à trouver des assureurs, soit parce qu’elles ont une sinistralité élevée avec des fréquences trop fortes, soit parce qu’elles ont des difficultés à s’assurer au coût technique du risque, devenu trop élevé. Et cette difficulté va s’accroître. Si Smacl reste seul assureur des collectivités, notre discipline de souscription aura des conséquences sur leur assurabilité. Smacl doit être solide financièrement pour poursuivre sa mission d’assureur mutualiste. C’est en faisant travailler ensemble les parties prenantes (État, assureurs, collectivité) que l’on arrivera à faire face à cette problématique d’assurabilité. Si l’on ne change rien, il y aura de plus en plus de collectivités qui n’auront pas de couverture. Il faut repenser la logique de mutualisation des risques des collectivités. Peut-être faut-il s’inspirer de ce qui a été fait pour le risque agricole. Smacl mutualise déjà à son niveau entre collectivités mais elle ne pourra pas le faire seule à l’échelle nationale. Nous sommes en train de mener des actions auprès des pouvoirs publics, de nos pairs et des collectivités pour sensibiliser et construire ensemble des solutions.

Comment se passent les discussions avec les collectivités ?

Pour certaines, nous ne sommes malheureusement qu’une structure de coût, un fournisseur comme un autre, et les collectivités font en sorte que leurs factures augmentent le moins possible. De notre côté, nous expliquons les raisons de ces augmentations et de cette discipline de souscription dans le cadre d’une vraie logique partenariale, appréhender quels sont les risques et quels éléments de prévention peuvent être mis en place. Mais c’est parfois un message difficile à entendre.

Comment les renouvellements 2023 de vos protections de réassurance se sont-ils déroulés  ?

La réassurance nous avait beaucoup aidé en 2022 en prenant en charge la moitié de nos sinistres. Cela s’est traduit par un renchérissement du prix et une baisse des couvertures pour 2023. Ce sont 10 M€ supplémentaires que nous avons déboursés, ce qui est très significatif ramené aux 400 M€ de chiffre d’affaires de la mutuelle. En tant que filiale de Maif, nous avons pu bénéficier du savoir-faire du groupe pour travailler à l’adaptation de nos traités de réassurance. La grande majorité de nos programmes ont été souscrits par le marché, sauf une petite partie, la plus difficile à placer, qui a été prise en charge par Maif dans le cadre d’une réassurance intragroupe. Compte tenu du renchérissement du coût de la réassurance pour une couverture moindre, la question se pose également de l’assurabilité des assureurs.

Que préconisez-vous face au durcissement du marché ?

Ce qui a été mis en place pour les entreprises industrielles et commerciales autour des structures captives pourrait sans doute être dupliqué aux assureurs. C’est une hypothèse proscrite aujourd’hui sur le plan réglementaire mais qui mérite qu’on s’y intéresse. Cela permettrait de lisser sur plusieurs années le coût des sinistres.

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