Jean-Philippe Dogneton, directeur général de la Macif

« Macif est en croissance et son modèle mutualiste conforté »

Publié le 30 novembre 2023 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy

Le patron de Macif dresse le bilan de l’exercice en cours et des lourdes conséquences des récentes intempéries. Le dirigeant rend compte de son plan stratégique triennal et prend aussi position sur les sujets de Place de l’assurabilité des risques ou encore de la dérive des coûts de réparation. Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de décembre de La Tribune de l’assurance.

Quelles sont les conséquences pour les assureurs des dernières intempéries (tempêtes et inondations) ?

Les évènements climatiques en cours sont hélas un nouveau rappel que notre environnement change en profondeur et très rapidement. En l’espace de deux ans, nous avons connu des sécheresses historiques, des événements de grêle d’une rare intensité, un séisme, deux tempêtes majeures et des inondations. La réalité oblige à dire que les assureurs sont sous pression sur le plan économique et opérationnel. La Macif a enregistré plus de 40 000 événements tempête sur les dernières semaines pour un coût qui sera très élevé autour de 120 M€ non couvert par la réassurance. Je pense naturellement en premier lieu aux victimes des tempêtes et inondations et à l’ensemble des salariés Macif mobilisés. La situation mérite que la société et nos concitoyens bénéficient d’un débat sérieux sur l’avenir et l’assurabilité des risques, plus qu’à quelques déclarations souvent teintées de populisme. En clair, les assureurs font leur boulot et dans la très grande majorité le font bien, en proximité des victimes.

Les tarifs vont continuer de grimper en 2024. Quelle sera la ligne de conduite de la Macif ?

Pour l’IARD, notre échéance est en avril et nous attendons de voir comment va se dérouler la fin de l’exercice. Toutefois, le marché n’échappera pas à un rééquilibrage des tarifs. En santé, malgré le 100 % santé et le transfert de charge, nous veillerons à demeurer un acteur compétitif. Ce qui est certain, c’est que nous lisserons comme toujours dans le temps les indexations tarifaires. De plus, puisque nous raisonnons en assureur multimétiers, nous ferons en sorte que la tarification soit envisagée sur l’ensemble de nos branches pour les sociétaires multi-équipés.

Où en est la Macif en épargne ?

Nous sommes un assureur vie avec 25 Md€ d’encours. Si comme le marché nous constatons des rachats, ces derniers correspondent à un besoin de pouvoir d’achat ou d’acquisition. Rien que de très logique en somme. L’activité est dynamique sur les affaires nouvelles, notamment sur le fonds euros accessible à tous. Nous devrions finir l’exercice avec plus de 60 000 nouveaux contrats d’épargne et une belle progression sur le PER. Même si les versements à l’ouverture peuvent être plus faibles que par le passé, en raison de la baisse du pouvoir d’achat, tout ceci reste positif en termes de production nouvelle et d’accompagnement des projets de vie.

Votre plan stratégique « Ma (P) référence » arrive à son terme, avez-vous atteint vos objectifs ?

Le plan « Ma (P) référence » a débuté en 2021 et se termine à la fin de cette année. Nous avons choisi un plan triennal, car il était difficile de se projeter à plus long terme. Par ailleurs, un plan stratégique doit être rythmé et collégial. Il était important que le conseil d’administration qui l’a validé soit tenu au courant strictement de son avancée et nous challenge régulièrement. C’est un très bon exercice. Ce plan stratégique comportait quatre axes : être n°1 de la relation client, un employeur de référence, un acteur engagé et enfin un moteur d’Aéma groupe. Sur ce dernier point, le groupe Aéma a connu une très forte croissance et la Macif dans cet ensemble a contribué en étant actionnaire d’Abeille assurances à 90 % et actionnaire majoritaire d’OFI Invest. Par ailleurs, sur un autre registre, nous avons récemment fait l’acquisition de Mondial Pare-Brise. Nous avions pour objectif d’arriver à fin 2023 à une production brute de 2 millions de nouveaux contrats par an, et c’est ce que nous dépassons désormais. Nous avions aussi pour objectif d’acquérir 200 000 nouveaux sociétaires sur la période, ce que nous avons là aussi atteint et dépassé. Tout ne passe pas bien sûr par les chiffres, mais cela démontre que l’entreprise est bien en croissance et en ce sens, nous avons la conviction que notre modèle mutualiste est pertinent et répond aux besoins de nos sociétaires.

Êtes-vous parvenu à la place de n°1 de la relation client que vous visiez ?

La Macif est une entreprise en mouvement et c’est bien plus qu’une marque. Nous sommes satisfaits de l’évolution de nos indicateurs. Aujourd’hui, nous enregistrons plus de 20 millions de contacts par an en flux direct, via les plates-formes d’appel et les points d’accueil, et 65 millions si on intègre le canal internet et la gestion des sinistres. C’est désormais l’omnicanalité qui prédomine, et nous nous organisons en conséquence. Notre système d’information nous permet désormais de bénéficier d’une vision d’ensemble sur tous nos métiers. La proximité qui est au cœur de l’ADN de la Macif exige une présence physique de qualité sur l’ensemble de nos territoires. C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé d’importants investissements pour réaménager l’ensemble de nos points d’accueil et sites tertiaires. C’est parce que nous apportons à nos sociétaires une plus grande accessibilité sur l’ensemble de nos canaux que nous sommes, entre autres, devenus la marque préférée des Français.

Comment se traduit sur le terrain votre dimension d’acteur multimétiers ?

La transversalité entre les différents métiers et expertises est un objectif fort de notre plan stratégique. Historiquement, la complémentarité était peu développée entre les activités IARD, santé et vie. Aujourd’hui, nous avons développé une forte cohésion entre les métiers que ce soit au niveau de la gouvernance politique ou technique, de l’animation des réseaux de distribution ou encore au niveau des systèmes d’information. Notre CRM est en train d’être déployé à toutes les entités de la Macif. Les plates-formes téléphoniques sont également communes avec des conseillers de plus en plus polyvalents. Désormais, nous présentons une vision unique de la marque à l’égard du sociétaire et de l’adhérent. C’est une grande avancée.

Quels sont vos objectifs avec l’acquisition de Mondial Pare-Brise ?

En qualité de premier assureur auto, la réparation est au cœur de notre chaîne de valeur, à la fois en termes de satisfaction des sociétaires mais aussi en termes de maîtrise des coûts. Le bris de glace représente plus de 10 % de notre charge sinistres en auto, 250 000 dossiers chaque année. Le marché du pare-brise est concentré sur quelques opérateurs dont certains déclinent des politiques commerciales agressives. Mondial Pare-brise est le 3e acteur du marché, et dispose d’un bon maillage territorial. À l’annonce de sa mise en vente, nous n’avons pas hésité à acquérir Mondial Pare-Brise car nous avons un véritable rôle de régulateur économique à exercer. Cette acquisition est dans la droite ligne de la stratégie déclinée par Jacques Vandier lorsqu’il a inventé le constat amiable et choisi de le mettre à la disposition de tous les assureurs auto. C’est la même logique qui m’anime ici. Nous portons une vision long terme contrairement à d’autres opérateurs potentiels comme des fonds d’investissement.

Quelle a été la réaction de vos pairs ?

C’est une première en France et cette acquisition a suscité quelques réactions, en particulier dans le monde de la réparation. Certains réparateurs se sont demandé pourquoi un assureur s’intéressait directement à leurs affaires. Le dirigeant d’assurance que je suis répondra "pourquoi pas" et surtout assumons notre rôle de régulateur économique. Cela vaut pour la réparation mais aussi pour les pièces détachées et de réemploi et tout domaine en lien avec notre activité. Nous devons montrer la voie. La réparation est un monde encore en transformation dans lequel nous souhaitons être un acteur pivot.

Allez-vous diriger votre sociétariat vers Mondial Pare-Brise ?

La loi Hamon est là pour garantir le libre choix du sociétaire mais je constate que lorsque l’on a une très bonne qualité de service, un bon maillage territorial et un coût attractif, cela suffit à être légitime et crédible sur ce marché. Nous ne sommes pas obligés d’offrir des cadeaux pour achalander le sociétaire ou le client. Aujourd’hui, Mondial Pare-Brise est un acteur en croissance car il maîtrise ses coûts et offre une prestation de qualité.

Abeille est membre du GIE Assercar, comment percevez-vous l’animation mutualisée de prestataires ?

C’est effectivement quelque chose que l’on regarde car l’enjeu autour de la réparation est important. Le volume a beaucoup aidé par le passé, il aide moins aujourd’hui car la réparation auto est entre les mains de quelques grands réseaux. Toutefois, rien ne change pour Abeille dans ses accords. De manière générale, sur ces sujets, il faut être en action et s’autoriser d’autres manières de manager la réparation que par le simple volume apporté. Concernant les experts eux-mêmes, en mutation sur leur métier avec des regroupements, nous sommes très attentifs. Je tiens à remercier particulièrement les experts mobilisés sur les tempêtes et les inondations. 

Les chiffres clés de la sinistralité climatique chez Macif

À ce jour, la Macif a enregistré 108 000 sinistres climatiques en 2023 (20 % auto, 80 % en IRD habitation). En 2022, 166 000 sinistres climatiques ont été comptabilisés. À titre de comparaison, la Macif avait enregistré 45 000 sinistres lors de la tempête Xynthia en 2010, 50 000 sinistres pour la tempête Klauss en 2009, et 390 000 sinistres lors des tempêtes Lothar et Martin en 1999.

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