Alain Chrétien, maire de Vesoul (Horizons)

« Pour l'assurabilité des collectivités, chacun devra faire une partie du chemin »

Publié le 15 février 2024 à 9h00

Louis Guarino    Temps de lecture 5 minutes

La niche d’assurance des collectivités territoriales représente seulement 1,5 % du chiffre d’affaires des assureurs mais concerne la globalité des services publics métropolitains et ultra-marins. Les émeutes de l’été dernier et la hausse des périls climatiques ont incité le gouvernement à confier une mission sur l’assurabilité des collectivités. Coprésident de cette mission gouvernementale, Alain Chrétien (maire Horizons de Vesoul), présente l’état d’avancement des travaux et préconise de s’inspirer du modèle à trois étages de l’assurance agricole.

Quel est l’état d’avancement de la mission que vous coprésidez avec Jean-Yves Dagès (exploitant agricole, ancien président de la fédération nationale Groupama) ?

Dès le mois de décembre 2023, nous avons mis en place un programme d’une quarantaine d’auditions tripartites : l’assurance (assureurs, courtiers, experts), les associations d’élus locaux, et les administrations centrales de l’État. Nous constatons qu’il y a tout un dialogue à reconstruire. Chacun n’a pas la même langue, les mêmes notions, la même manière de voir les choses. Ce hiatus est une explication au désengagement des assureurs. Au fil des semaines, nous sommes en train de retisser un dialogue qui montre que chacun devra faire une partie du chemin. Les efforts ne pourront pas porter uniquement sur les collectivités en leur assénant : « Faites d’abord de la prévention et nous viendrons vous voir. » Les collectivités doivent naturellement se remettre en cause. En parallèle, les assureurs doivent aussi s’organiser en termes de réassurance, de méthodologie et d’information. Le monde de l’assurance doit évoluer pour s’adresser aux collectivités. L’assurance des collectivités est une niche qui ne représente que 1,5 % du marché. Mais en tant que collectivités, nous ne sommes pas des assurés comme les autres car nous avons des missions de service public. Résilier l’assurance auto d’un particulier n’a rien à voir avec la résiliation d’un contrat dommage aux biens d’une école. Les collectivités valent bien plus que leur part de marché de l’assurance car elles portent des services publics pour la métropole et l’outre-mer. Les émeutes urbaines et les problèmes climatiques ne sont que des catalyseurs, des accélérateurs d’un processus qui a commencé bien avant. Il existe des frustrations, des crispations entre le monde des collectivités et les assureurs depuis une bonne vingtaine d’années et qui reviennent aujourd’hui. Il faut éviter cette crise qui revient tous les dix ans.

Vous avez été auditionné le 7 février par la commission des finances du Sénat. Qu’avez-vous exposé ?

J’ai expliqué devant la commission des finances que nous avons trois sujets principaux à traiter : la culture du risque, le Code des marchés publics et le partage du risque. Il faut intégrer la culture du risque à nos collectivités parce qu’elle est insuffisante. Dans les PME, les assureurs demandent aux dirigeants d’avoir une bonne connaissance du patrimoine de leur entreprise. Les collectivités concernées par des problématiques d’assurance doivent développer une culture du risque intégrée à la gestion communale quotidienne. Est-ce que cela doit passer par un risk manager stricto sensu ou par une formation de l’ensemble des services ? Sans doute par une meilleure connaissance du patrimoine de la collectivité. Il y a un vrai sujet sur la qualité intrinsèque des bâtiments pour disposer d’une valeur d’assurance du risque à couvrir. La définition d’un besoin est donc préalable à la conclusion d’un marché. Plus on saura ce que l’on veut, plus on aura un assureur qui pourra répondre à nos attentes. Aujourd’hui, en raison des pratiques – notamment en matière d’appels d’offres – les relations sont rigides et ne permettent pas de modifier et d’affiner les besoins. Il existe pourtant des solutions dans le Code des marchés publics dont une meilleure connaissance s’impose. La solution ne passera pas forcément par une loi.

Enfin, il nous faut une meilleure répartition des risques, à l’instar de l’assurance agricole à trois étages. Cela veut dire une auto-assurance pour les petits sinistres, une assurance complète et pérenne pour les sinistres les plus sensibles, et une couverture des risques sériels (problèmes sociétaux, risques climatiques) avec les (ré)assureurs. Il faut mieux répartir le risque dans le temps et l’espace et le hiérarchiser.

Vos travaux s’achèvent officiellement le 31 mars 2024. Le calendrier sera-t-il respecté ?

La lettre de mission signée par les trois ministres* indique une remise des conclusions pour début avril 2024. Il reste encore deux mois de travail. Il sera difficile en deux mois de rédiger des éléments avec certitude. Nous ferons acter par le gouvernement des pistes qui mériteront d’être approfondies par les différentes administrations, les assureurs et les associations d’élus. Dès lors que ces pistes seront entérinées par le gouvernement, nous pourrons aller plus loin. Cela ne sert à rien de proposer des choses ficelées si le gouvernement n’y est pas favorable. Nos conclusions seront un point d’étape. En outre, je précise que nous ne nous aventurerons pas dans une refonte des directives européennes et du mécanisme européen sur ce dossier. Il vaut mieux des éléments pragmatiques et de bon sens les plus concrets possibles plutôt que de produire une nouvelle loi. Regardons ce que nous avons à notre disposition et réfléchissons comment mieux utiliser les outils disponibles.

* Le 25 octobre 2023, la lettre de mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales a été confiée à Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

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