Les coûts des sinistres liés au dérèglement climatique ne cessent d'augmenter, mettant en péril la rentabilité des assureurs et des réassureurs. Alors que de plus en plus de territoires sont confrontés à l'inassurabilité, l'impératif de repenser la couverture des risques climatiques s'impose. Revue de détail des options possibles avec ASI, spécialiste de la transformation digitale de l’assurance.
Il n’est pas une journée où nous n’entendons parler du dérèglement climatique. Il semble dorénavant que chaque année est, ou sera, considérée comme annus horribilis ! L’objectif de cet article n’est pas de revenir sur les causes du dérèglement observé mais d’en identifier les conséquences pour le secteur de l'assurance.
Les charges sinistres augmentent régulièrement depuis plusieurs années (cf. les chiffres de la profession publiés par France assureurs (1) : plus de 10 Md€ en 2022 par rapport à une moyenne annuelle de 3,6 Md€ entre 2011 et 2021. Chaque péril climatique (inondation, sécheresse, tempête, cyclone, submersion marine) a ses propres caractéristiques (origine, fréquence, intensité) et les charges associées correspondent approximativement au montant des primes collectées par les assureurs. Notons qu’une grande partie de l’accroissement des charges sinistres climatiques est due à la hausse de la valorisation des biens, soit à l’enrichissement et à l’augmentation du niveau de vie des assurés. Cela a pour conséquence une dégradation du ratio S/P (sinistres à primes) des assureurs et des réassureurs, soit une baisse de rentabilité.
L’inflation actuelle ne va pas non plus dans le bon sens et aura pour conséquence une hausse plus importante des charges sinistres (majoration du prix des matériaux, des pièces de remplacement, des prestations, etc). Face à ces charges croissantes, quelles sont les options possibles :
- amplification des actions de prévention : certes, les actions de prévention n’annulent pas le risque de survenance de l’aléa mais elles en amoindrissent les impacts. Les moyens de prévention possibles sont fonction du péril et sont mis en œuvre soit au niveau de l’habitat (ex. pose de batardeaux pour limiter le risque inondation), soit sur l’environnement (ex. hydratation des sols pour se prémunir du risque sécheresse). Si les actions de prévention étaient mieux valorisées (dans leur diminution des charges sinistres), nul doute que les assureurs y investiraient davantage,
- recherche de capacité supplémentaire auprès des réassureurs : le renouvellement des traités de réassurance s’est effectué avec beaucoup de difficultés en 2022. En effet, on observe un durcissement des exigences des réassureurs face à l’ampleur du risque climatique. Par ailleurs, la CCR incite ses cédantes à la mise en place d’un plan de prévention, avec une remise sur commission en fonction de la nature des actions réalisées. La recherche de capacité supplémentaire pour les assureurs auprès des réassureurs devient un exercice complexe,
- démutualisation et exclusion du risque : un des principes fondamentaux de l’assurance est la mutualisation du risque ; les bons risques équilibrant les mauvais risques. Or, des assureurs démutualisent les risques (modulation de la prime en fonction du risque climatique) et dans certains cas excluent les mauvais,
- nous orientons-nous vers la financiarisation des catastrophes naturelles, notamment avec le recours aux Catastrophe Bonds (Cat Bonds) ? Les Cat Bonds sont des obligations émises par les compagnies d’assurance et de réassurance, d’une durée de trois à cinq ans, non liées aux risques des marchés financiers. Ces titres à haut rendement, mais aussi à haut risque, permettent la réduction des risques par partage avec des tiers issus des marchés financiers. Nous comptons environ 39 Md$ de capitalisation en Cat Bonds sur un marché de 500 à 600 Md$ de capitaux du marché de la réassurance (2). Principalement utilisés outre-Atlantique, les Cat Bonds pourraient avoir un regain d’intérêt. Les Cat Bonds permettent aux cédantes d’accéder à davantage de capacités et aux réassureurs de protéger leur capital en cas d’événements de grande ampleur,
- les entreprises qui en ont les moyens pourront mettre en place des captives d’assurance. Ces captives permettent la diminution de la vulnérabilité d’une entreprise face aux fluctuations du marché de l’assurance, en faisant porter le risque sur une entité du groupe auquel appartient l’entreprise,
- révision du régime Cat Nat : le régime des catastrophes naturelles établi en 1982 est une particularité française que nous envient de nombreux pays. Moyennant une surprime de 12% sur les contrats de biens autres que véhicules à moteur et de 6% sur les contrats pour les véhicules terrestres à moteur, ce régime permet, en cas de reconnaissance de catastrophe naturelle, la prise en compte par le réassureur et la CCR (avec la garantie de l’Etat) de 50% des charges sinistres. Cette surprime correspond en moyenne à environ 25 € annuels pour un contrat MRH et 2,5 € annuel pour un contrat auto, ce qui est peu comparé aux indemnisations en cas de sinistres climatiques. Ce régime tend vers un déséquilibre et si l’on souhaite le maintenir, il n’y aura pas d’autre moyen que de relever la surprime Cat Nat. On évoque un passage à 18 ou 20% de surprime sur les contrats MRH, ce qui reste encore acceptable pour l’assuré… mais sur le long terme, l’équilibre du régime est susceptible d’être mis à mal.
Un projet de révision du régime Cat Nat est en cours avec...