Collectivités locales

La chambre haute se penche à son tour sur l’assurabilité des collectivités

Publié le 8 février 2024 à 8h00

Mehdi ElAouni    Temps de lecture 5 minutes

Conjointement à sa mission d’information et à la consultation en ligne des élus locaux, la commission des finances du Sénat a examiné les défis d’assurabilité des collectivités locales. Le maire de Vesoul, Alain Chrétien, coprésident de la mission gouvernementale sur l’assurabilité des collectivités territoriales, a donné un avant-goût de ses travaux et des recommandations à venir d’ici début avril.

Ce mercredi 7 février, la commission des finances du Sénat a organisé une audition commune sur les défis d’assurance des collectivités territoriales. Simultanément, une consultation en ligne est lancée sur le site internet du Sénat, du 31 janvier au 28 février 2024, auprès des élus locaux pour « recueillir leur témoignage sur les problèmes rencontrés tant pour s’assurer que dans leurs relations avec leur assureur ».

Trois représentants d’association d’élus locaux, dont Alain Chrétien, maire de Vesoul et vice-président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF), ont pris part à cette table ronde. L’intervention d’Alain Chrétien, également coprésident de la mission gouvernementale pour l’assurabilité des collectivités territoriales, a permis d’établir des liens entre les travaux du Sénat et ceux de la mission gouvernementale, tout en traçant les pistes des préconisations de cette dernière, attendues d’ici début avril.

Les « grandes » communes au pied du mur

Si le sénateur Emmanuel Capus a parlé en préambule de plus de 150 communes ayant reçu un avenant et de pas moins de 200 collectivités résiliées, le maire de Vesoul a souligné la complexité de recenser exactement l’ensemble des collectivités confrontées à des résiliations ou des augmentations. Il attribue cette difficulté à l’absence d’une « obligation de le déclarer » et affirme que « les travaux du Sénat offriront un éclairage sur l’état de la situation actuelle ». Les petites communes rurales semblent à l’abri des résiliations en raison de risques de dommage plus limités, sauf pour celles touchées par les catastrophes naturelles. Le retrait des assureurs et les difficultés à placer leurs risques concernent plutôt les chefs-lieux de canton, les petites et moyennes villes, et les métropoles, celles soumises à la procédure d’appels d’offres marchés publics. « À notre grande surprise, la métropole de Lille, qui a été auditionnée dans le cadre de la mission, a été également victime de ces résiliations », affirme Alain Chrétien. La question de l’assurabilité impacte visiblement aussi des communes qui n’ont pas été touchées par les émeutes ou les catastrophes climatiques. Le maire de Vesoul illustre ce problème en prenant sa propre ville en exemple, n’ayant subi ni l’un ni l’autre, mais ayant tout de même vu « tous ses contrats résiliés ». Ce manque d’attractivité du marché des collectivités, principalement causé par son organisation même autour du duopole la Smacl et Groupama, est considéré comme un problème structurel. « Entre les années 2010 et 2020, les cotisations ont peut-être artificiellement diminué. Certains se sont éloignés à la baisse du tarif technique, créant un déséquilibre dont nous subissons aujourd’hui les conséquences. Il faudra alors peut-être demander au régulateur [l’ACPR, NDLR] d’avoir un œil un peu plus averti sur les tarifs qui sont proposés », signale Alain Chrétien.

Les pistes de recommandations

Pour résoudre cette difficulté, des premières propositions émergent de la part du coprésident de la mission gouvernementale. Selon lui, le premier gage de confiance à donner aux assureurs pour pouvoir renouer avec les collectivités locales est « l’intégration de la culture du risque » dans leur fonctionnement, s’inspirant du risk management en entreprise. Cette démarche qui cherche à rassurer les assureurs commence, selon Alain Chrétien, par « la bonne connaissance de l’état du patrimoine » dans l’optique d’établir « une expertise préalable qui sera un diagnostic complet constituant la base de la rédaction d’un cahier des charges précis pour l’assureur ».

Parallèlement, le vice-président de l’AMF a mis en avant la nécessité d’avoir une réflexion sur l’utilisation des outils disponibles dans le Code des marchés publics, évitant une utilisation systématique de l’appel d’offres, souvent rigide et peu propice à une définition précise des besoins, conduisant parfois à des appels d’offres infructueux. « Selon nos enquêtes, l’appel d’offres n’est pas la seule procédure disponible, nous avons la capacité de recourir à la procédure du marché négocié qui répond à des critères extrêmement précis », avance-t-il. Cette procédure peut se faire dans des situations spécifiques (définies par l’article R. 2124-3 du Code). « Cette procédure, qui permet des échanges approfondis entre les prestataires et les demandeurs, est complexe, exige des procédures de publicité, et implique des délais calendaires spécifiques. Elle nécessite une ingénierie extrêmement importante qu’on peut néanmoins se payer quand on est une grande collectivité », suggère le maire de Vesoul.

Par ailleurs, le ministre de l’Économie a d’ores et déjà élargi le champ d’action du Médiateur de l’assurance pour inclure les litiges entre assureurs et collectivités avant même de lancer cette mission d’information gouvernementale.

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