Éric Maumy, président d’April

« CVC est un fonds d’investissement qui, par nature, a vocation à nous accompagner sur une durée limitée »

Publié le 30 juin 2022 à 8h30

Nessim Ben Gharbia    Temps de lecture 9 minutes

Le dirigeant d'April dresse le bilan de l'exercice passé, livre sa vision de la récente réforme de l'assurance emprunteur, et commente les rumeurs de marché sur l'éventualité d'un changement d'actionnaire majoritaire. Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de juillet-août de La Tribune de l’assurance.

Comment se porte April ?

April est en avance sur son plan de développement avec un chiffre d’affaires de 544 M€ en 2021, en croissance de 8·%. Nous visons une croissance organique à deux chiffres dans les prochaines années et devrions nous diriger vers cet objectif en 2022. April est redevenue une entreprise de croissance et nous visons un milliard d’euros de chiffre d’affaires à l'horizon 2027 grâce à un mix de croissance organique et externe. Vous l’aurez compris, l'entreprise se porte bien et nos ambitions sont grandissantes maintenant que l’essentiel de notre transformation est derrière nous.

Quels leviers avez-vous actionnés pour renouer avec la croissance ?

Nous avons tout d’abord engagé une très forte accélération de notre digitalisation qui nous a permis de devenir un acteur encore plus performant dans la distribution, que ce soit via notre plate-forme April ON, l’extranet n°1 du marché plébiscité par nos partenaires courtiers, ou en distribution directe online où nous sommes devenus leader du e-commerce dans l’assurance. Ce que nous apprenons sur ce canal, nous l’utilisons tous les jours pour nos courtiers que ce soit sur les offres, les parcours voire les leads que nous leur apportons. Fin 2022, nous ferons un saut quantique dans l’exploitation de la data par nos 15 000 courtiers partenaires, en les dotant d’une brique technologique complémentaire sur April ON. Nous avons également doublé notre force commerciale sur le terrain en nous déployant notamment dans des régions dans lesquelles nous étions moins présents afin de nous renforcer sur tout le territoire national. Enfin, nous avons travaillé sur nos offres en veillant à réduire considérablement le « time to market ». Nous disposons aujourd’hui d’une gamme de produits plus large, qui évolue plus vite, à la fois en intermédié et en direct. L’excellente nouvelle c’est que le potentiel de développement du courtage et du direct est très fort et que nos parts de marché restent modestes en comparaison de la profondeur des lignes de business dans lesquelles nous opérons.

Est-ce que la rénovation des offres passe par le renouvellement des partenariats avec les assureurs ?

Quand je suis arrivé chez April, nous travaillions avec beaucoup d’assureurs, ce qui créait une forme de dispersion. Aujourd’hui, nous avons une dizaine de partenaires pour l’ensemble de nos lignes d’activité avec qui nous avons des relations nourries, équilibrées et pérennes et une envie commune de développement. April est une entreprise avec une forte culture commerciale et assurantielle, cette dernière étant essentielle car il faut savoir piloter les résultats dans la durée pour garder la confiance des assureurs. Pour rénover nos offres, nous nous appuyons notamment sur la technologie, la data, l’actuariat et le marketing.

Que représente l’assurance de personnes dans votre chiffre d’affaires ?

L’assurance de personnes représente 344 M€ de chiffre d’affaires répartis entre nos trois lignes d’activité : la santé et prévoyance des particuliers, la santé et prévoyance des professionnels & TPE, et l’emprunteur. En santé, la résiliation infra-annuelle, entrée en vigueur fin 2020, a eu un effet double : elle nous a bousculés, en tant qu’acteur établi, tout en nous permettant de tirer profit des opportunités offertes par cette libéralisation et de lisser nos pics d’activité. Au final, notre volume d’affaires nouvelles est à la hausse. Pour renforcer notre développement auprès des professionnels et des TPE en santé et prévoyance, nous avons tout revu : nos offres, notre présence sur le terrain, ainsi que notre qualité de gestion, ce qui nous a permis d’être à nouveau compétitifs dès 2020 et de dépasser largement nos objectifs.

Quelles sont vos ambitions sur le marché de l’assurance de prêts ?

Nous sommes présents sur le marché de l’emprunteur en France, mais également au Portugal, en Italie et en Belgique, avec de bons résultats. En France, April a ouvert la voie du marché alternatif dont nous sommes toujours leader. Pour autant, et face à un marché très challengé, nous avons retravaillé nos offres et nos parcours digitaux pour conserver notre leadership et accélérer notre développement. Nos niveaux de production élevés du 1er semestre 2022 témoignent de la pertinence de cette stratégie.

Nous sommes prêts à accompagner l’ouverture du marché : en effet, 40·% de notre activité est liée au marché de la reprise, grâce aux dossiers dits Hamon/Bourquin. Dès le 1er septembre, grâce à la loi Lemoine en faveur de laquelle nous nous sommes fortement mobilisés, 7 millions d’emprunteurs pourront faire jouer la concurrence et changer d’assurance emprunteur à tout moment. L’ouverture à la concurrence est toujours une excellente nouvelle pour les consommateurs et une opportunité pour les distributeurs agiles.

Quels effets de la loi Lemoine anticipez-vous ?

La loi Lemoine signe l’ouverture du marché de l’emprunteur, avec une mise en concurrence réelle des banquiers. Les consommateurs vont pouvoir gagner 5 à 15 000 € de pouvoir d’achat sur la durée du crédit. Les courtiers sont les mieux placés pour conseiller les Français sur ces questions et devraient conquérir de nouveaux clients, sur l’emprunteur mais aussi en multi-équipement. Une question se pose pour les emprunts de moins de 200·K€ où on a « éteint la lumière » avec la suppression de la sélection médicale. Nous verrons quels effets cela va produire et je fais partie de ceux qui pensent que de nouveaux équilibres se trouveront… au bénéfice des consommateurs !

Avez-vous quantifié l’impact de la réforme du 100 % santé sur vos portefeuilles ?

Nous avions anticipé la mise en conformité de nos offres en 100 % santé dès 2019 et ainsi pu absorber l’impact de cette évolution réglementaire qui est, une fois de plus, favorable au consommateur et c’est bien l’essentiel. Sur la santé, les besoins sont croissants, notamment parce que la population est vieillissante et les coûts en hausse. Les primes vont donc continuer à augmenter et la priorité annoncée du prochain quinquennat qu’est la prévention est le seul moyen de maîtriser la hausse inéluctable des cotisations. Et comme on part de très loin, cela prendra du temps.

Quelle part accordez-vous à l’IARD dans votre activité ?

Le dommage représente 140 M€ de chiffre d’affaires, répartis entre les niches techniques et les niches affinitaires, chacune d’elles faisant appel à une connaissance très fine de l’écosystème concerné et à une grande maîtrise technique dans des marchés d’assurance pénuriques et ultra spécialisés. En matière de niches techniques, April est notamment présent sur la construction et le risque aggravé en auto.

En assurance construction, nous avons profité des confinements pour développer nos offres et nos services, notamment digitaux, avec une plate-forme dédiée aux professionnels du BTP 100 % en ligne. C’est un marché à fort potentiel sur lequel nous sommes solidement ancrés, avec des partenaires comme QBE qui nous accompagnent depuis plus de dix ans. Nos perspectives sont immenses, à la mesure de la taille de ce marché.

En matière de niches affinitaires, April travaille sur les marchés de la plaisance et du deux-roues. En deux-roues, nous bénéficions notamment de l’essor de la mobilité individuelle et assurons désormais, en complément des motos, les vélos et trottinettes électriques. Dans ces deux écosystèmes, notre marque est très connue et nous gagnons des parts de marché. Si l’activité en dommage est essentiellement réalisée en France, nous sommes également présents en Espagne en deux-roues et au Canada en construction et en plaisance et nous sommes attentifs à des opportunités de croissance externe.

Quels sont vos objectifs en matière de santé à l’international ?

La santé internationale pèse pour 60 M€ de notre chiffre d’affaires, entre couverture individuelle et collective. Nous sommes présents en France, en Grande-Bretagne, en Suisse, dans sept pays d’Asie, et nous sommes en train d’ouvrir des bureaux en Allemagne et à Dubaï. Alors que la pandémie aurait pu nous ralentir, nous avons connu une croissance à deux chiffres sur cette activité depuis deux ans et avons pris des parts de marché, notamment grâce à l’équilibre de nos canaux de distribution (35 % en direct, 65 % via des intermédiaires partout dans le monde) et la richesse de notre offre : nous assurons à la fois les voyageurs à court terme, marché qui repart, notamment en Asie, et les expatriés à moyen-long terme.

Nous sommes leader sur la santé individuelle pour les expatriés et nous sommes également présents sur la santé internationale pour les TPE et les PME, ainsi qu’auprès de grands comptes. Notre objectif est d’atteindre d’ici cinq ans 150 M€ de revenus. Comme vous pouvez l’imaginer, nous allons pousser les feux en croissance organique et être très actifs sur le terrain de la croissance externe.

Quelles sont vos ambitions en matière de gestion de patrimoine ?

Nous sommes sortis du monde de la gestion de patrimoine il y a une dizaine d’années, avec la cession au Crédit agricole de nos activités d’assurance et de distribution. Nous envisageons aujourd’hui de revenir sur ce marché, mais exclusivement dans la distribution. Les dynamiques que nous y observons nous rappellent celles que nous connaissons dans l’assurance.

Ces dernières semaines, le marché bruisse de rumeurs sur un changement d’actionnaire, qu’en est-il ?

Les rumeurs sur un éventuel changement d’actionnaire courent depuis 2020, April suscitant beaucoup d’intérêt, ce dont je me réjouis. CVC Capital Partners est un fonds d’investissement qui, par nature, a vocation à nous accompagner sur une durée limitée. À ce jour, le sujet n’est pas d’actualité et nous le ferons savoir lorsque ce sera le cas. Notre dynamique de transformation et notre trajectoire de croissance nous permettent d’écrire une nouvelle page de la longue histoire d’April, que nous avons bien l’intention de poursuivre en tant que consolidateurs. Nos partenaires le verront, nous sommes là dans la durée et nous sommes enthousiastes quant à ce que nous allons réaliser ensemble. En attendant, les ambitions des dirigeants et de toutes les équipes en France et à l’international sont fortes à court, moyen et long terme ; aussi sommes-nous concentrés sur la valeur que nous apportons à nos partenaires et à nos clients.

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