Pascal Chapelon, président, et Grégoire Dupont, directeur général d’Agéa

« Le développement des réseaux vie est une bonne nouvelle mais nécessite un pilotage adapté »

Publié le 29 juin 2023 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 7 minutes

Le nombre d’agents spécialisés vie ne cesse de croître, selon la 2e édition de l’Observatoire économique des agents généraux dont Agéa vient de présenter les conclusions. Pascal Chapelon et Grégoire Dupont saluent cette croissance mais rappellent que la réglementation et les charges sociales s'inscrivent elles aussi en hausse. Ils annoncent par ailleurs l'adossement du cabinet de courtage Agéa solutions au courtier LSA.

Quelles grandes tendances rapportez-vous dans la 2e édition de l’Observatoire économique des agents généraux ?

Pascal Chapelon : Notre observatoire 2022 a révélé une dynamique démographique, territoriale et économique tout à fait satisfaisante. Il y a désormais 12 500 agents généraux sur tout le territoire, soit 500 de plus qu’en 2019. Cette embellie ne se dément pas avec près de 1 000 nouveaux agents [pour avoir l’accroissement net du nombre d’agents, il convient de déduire les cessations d’activités, NDLR]. Par ailleurs, le poids des agents généraux s’accroît dans les bassins de population les plus dynamiques sur le plan économique et démographique. Nous sommes également en mesure de confirmer le mouvement de diversification de tous les agents, et pas seulement via les réseaux d’agents vie, vers les assurances de personnes.

Un bémol cependant, nous constatons une croissance plus rapide des charges des agences que celle des commissions. L’accroissement des coûts de fonctionnement, notamment les charges sociales, couplé à un mouvement de transfert de tâches des compagnies risque de créer, à moyen terme, un effet ciseau dangereux pour l’économie des agences.

Quel regard portez-vous sur la croissance des réseaux vie ?

Pascal Chapelon : Dans la longue histoire de la profession des agents généraux, ces réseaux spécialisés ont trouvé leur place, répondent à des besoins des épargnants et s’inscrivent dans le cadre des stratégies de développement des compagnies. Toutefois, la création d’une activité en assurance de personnes sans reprise de portefeuille est un défi entrepreneurial extrêmement fort. Les agents généraux partent de zéro ! Trois ans après leur nomination, seulement 50 % sont encore en fonction. La compagnie – tout en laissant son autonomie à l’agent dans l’organisation de son entreprise – doit prévoir des modalités d’accompagnements financier et technique musclés. De même, les compagnies doivent absolument poser des règles pour faire cohabiter harmonieusement des réseaux d’agents généralistes et spécialisés en vie. Agéa et les unions professionnelles des agents de ces réseaux rappellent cette exigence d’accompagnement aux compagnies afin de limiter les échecs professionnels de ces nouveaux entrepreneurs.

Ce développement est une bonne nouvelle pour la profession mais la mise en œuvre opérationnelle de ce développement nécessite un pilotage adapté en lien avec les unions professionnelles. Il se trouve qu’Allianz a des velléités de créer un réseau spécialisé vie. Entre la Retail Investment Strategy (RIS), la recommandation de l’ACPR et le projet de loi d’industrie verte, nous sommes dans un environnement réglementaire qui n’est pas stable actuellement et je ne suis pas sûr qu’il s’agisse du bon moment pour lancer cette initiative.

Grégoire Dupont : Le projet d’Allianz est une bonne chose mais la compagnie doit être attentive aux conditions de commissionnement et à la cohabitation avec son réseau généraliste historique. C’est bien qu’ils y réfléchissent mais Agéa pense à la profession et à la personne qui devient agent. Le but est que ça marche et qu’il ne soit pas rattrapé par les charges.

Où en est votre filiale dédiée au courtage accessoire Agéa solutions ?

Grégoire Dupont : Il y a un besoin d’accompagnement et de recherche de solutions quand la compagnie refuse un risque, avec une difficulté historique concernant les risques professionnels et entreprises. C’est ce qui a motivé la création d’Agéa solutions il y a deux ans, qui a aujourd’hui une taille significative. 1 200 agents et une quinzaine de compagnies ont signé un partenariat commercial avec cette filiale d’Agéa. Nous avons décidé de nous adosser à un courtier spécialisé de la Place – LSA courtage – pour asseoir notre fonctionnement opérationnel. Cela nous permet de bénéficier de son SI et de son volume d’affaires pour convaincre les compagnies partenaires. Mais la philosophie ne change pas. Nous gardons les mêmes risques, nous respectons le mandat, nous formons et nous aidons à la conformité.

Pascal Chapelon : Nous voulons permettre aux agents de faire du courtage accessoire dans les règles. C’est une pratique très encadrée dans son principe et son exercice, dans laquelle nous avons un rôle de superviseur. C’est un service que nous souhaitons apporter aux agents généraux. Il leur est quasiment impossible de placer des risques dont les compagnies ne veulent pas. Agéa solutions permet d’avoir un poids suffisant pour négocier avec elles.

Quels risques sont les plus difficiles à placer ?

Pascal Chapelon : Ce sont historiquement la RC pro, la RC mandataires sociaux, le bris de machine, la décennale, les locaux vides. Chaque compagnie ayant par ailleurs sa frilosité sur certains risques. Et puis, il y a les risques climatiques qui prennent plus d’ampleur.

Justement, comment avancent vos travaux sur les périls climatiques ?

Pascal Chapelon : C’est le fil rouge de la fédération actuellement. Une mission climat pilotée par le ministère de l’Économie et de la Transition énergétique a été lancée pour définir l’assurabilité climatique. De notre côté, cela fait un an que nous travaillons sur le sujet, que nous auditionnons nos partenaires, que nous travaillons sur la notion de risque assurable et de compréhension du risque climat. Nous avons des choses à dire à cette mission interministérielle. Le Code de la construction va être modifié pour intégrer la loi pour la résilience climatique votée en 2021. Tous les bâtiments devront avoir une partie de leur toit en panneau photovoltaïque par exemple. Sauf qu’aujourd’hui, les assureurs n’assurent pas ou difficilement ce risque. Notre métier n’est pas de refuser des risques mais de proposer des solutions d’assurance. Nous avons besoin de travailler avec l’État et les assureurs sur l’assurabilité.

Que pensez-vous de la proposition de loi de la députée Sandrine Rousseau ?

Pascal Chapelon : La PPL repense complètement les conditions d’indemnisation de la sécheresse. Les assureurs devraient démontrer que le sinistre du client n’est pas lié à la sécheresse. On est ici dans l’inversion de la charge de la preuve. On est en train de toucher au droit des assurances. C’est une mauvaise réponse à une bonne question : comment indemniser nos concitoyens touchés par le changement climatique ? La PPL est irrecevable car nous ne pouvons pas travailler comme ça. Cependant, c’est un signal d’alarme pour les compagnies qui doivent comprendre que si nous ne faisons rien nous allons nous retrouver face à des textes de loi très contraignants, alors que pour l’instant nous avons encore la main. Notre réflexion porte sur la conception des produits, la nature de l’assurabilité des risques, la prévention et la réparation. Sur ce dernier point par exemple, lorsqu'une maison est détruite, il est prévu qu’elle soit reconstruite à l’adresse du risque. Il n’y a pas la possibilité de reconstruire à un endroit différent et ainsi éviter une zone d’argile par exemple.

Grégoire Dupont : De manière générale, les assureurs passent trop de temps à expliquer pourquoi ils ne peuvent plus assurer plutôt qu'à trouver des solutions qui passeront nécessairement par davantage de prévention et des partenariats publics. Il faut profiter de cette préoccupation des pouvoirs publics pour sortir de ces mauvais schémas.

Quelles sont vos ambitions pour Agéa ?

Pascal Chapelon : Agéa est garante de la modernisation de notre profession, de son exercice en conformité, et se doit d’être proactive sur les marchés nouveaux. La fédération des agents généraux ne s’était jamais positionnée sur des aspects produits. Nous avons changé de casquette. Nous avons intégré un volet économique avec la création de l’Observatoire et un volet lobbying en étant une partie prenante dynamique auprès des pouvoirs publics. Nous souhaitons parler technique. Depuis deux ans, nous avons des contacts réguliers avec France assureurs, la Direction générale du Trésor, le ministère de l’Économie, l’ACPR et les instances européennes.

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