Julien Guénot, Regional Manager pour l’Europe du Sud d’Axa XL et président d’Assuratome

« Les crises se superposent et la corrélation entre les branches est toujours plus importante »

Publié le 2 février 2023 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 8 minutes

Le patron des grands risques pour la France et l’Europe du Sud d’Axa XL livre les dessous de l’exercice 2022 marqué par une série d’événements catastrophiques. Guerre en Ukraine, sécheresse exceptionnelle, ouragan Ian, multiplication des cyber-attaques et nouvelles réglementations internationales ont pesé tout au long de l’année.

Quel regard portez-vous sur l’exercice passé ?

2022 a été une année dynamique et mouvementée par les crises qui se sont superposées : géopolitique, climatique, énergétique, inflationniste et sanitaire. Face à des risques qui évoluent et s’interconnectent, le groupe Axa reste solide (225 % de ratio de solvabilité II) et Axa XL en France continue de se positionner comme un leader des grands risques et des risques de spécialités. Nous travaillons avec tous les courtiers de la Place et certains acteurs de niche, notamment pour l’assurance des œuvres d’art.

Les résultats à mi-année 2022 ont été très bons, favorisés par des catastrophes naturelles de moyenne envergure. Le second semestre a quant lui été marqué par une série d’intempéries en France, notamment des épisodes orageux et de grêle d’une rare intensité. Avant les années 1990, la charge moyenne des événements naturels était en France d’environ 1 Md€. Elle s’élevait à 2,8 Md€ dans les années 2010 et est en passe d’atteindre les 4 Md€ en 2022. Au niveau mondial, le point d’orgue cette année a été l’ouragan Ian, un des plus importants de ces dernières décennies en termes de pertes assurées, entre 40 et 70 Md€. Pour Axa XL à l’échelle mondiale, l’impact est relativement raisonnable (0,4 Md€) grâce à notre souscription extrêmement sélective.

À quels événements Axa XL a-t-il été confronté ?

Il y a des événements majeurs qui font basculer les certitudes en incertitudes. C’est le cas des derniers événements naturels qui ont durement frappé notre compte de résultat en France. Auparavant, lorsqu’une année était marquée par une ligne de business sinistrée, les autres compensaient. Aujourd’hui, nous constatons une corrélation de plus en plus importante entre les branches et des impacts qui gagnent en intensité.

Au-delà de l’inflation réelle, l’inflation sociale continue d’avoir un impact sur l’assurance RC, en particulier aux États-Unis, et commence maintenant à s’étendre à d’autres régions. En France, les jugements rendus par les tribunaux dans le cadre de procès liés à des catastrophes dans les transports témoignent de l’ampleur que prennent désormais les préjudices moraux.

L’autre risque qui a caractérisé l’année 2022 est le cyber. Cela reste une préoccupation majeure de nos clients. La sinistralité de cette ligne a explosé en 2020-2021 et elle a logiquement subi des corrections très importantes. Si ce risque est encore déséquilibré, un niveau de maturité est néanmoins en train de se matérialiser sur le marché français. Nous remarquons une sophistication des politiques de risk management dans les entreprises et la recherche d’une transparence proactive sur la gestion de ce risque complexe.

Quel est votre appétit pour le risque cyber ?

Nous avions constaté un déséquilibre dans la nature même du produit tel qu’il avait été pensé initialement et dont le risque était appréhendé sous l’angle de la responsabilité des données. Cela a été repensé et la ligne cyber s’assimile désormais à un risque de pertes d’exploitation après un incident. Au lieu de nous retirer du risque, nous investissons dans ce que nous pensons être l’une des branches d’activité majeure dans les années à venir. Il est tout à fait envisageable d’imaginer d’ici une dizaine d’années avoir une ligne cyber au même niveau que celle de l’incendie.

Comment votre portefeuille se ventile-t-il ?

Le portefeuille d’Axa XL en France s’articule autour de trois « blocs » de produits : notre legs historique de leader du marché des grands risques qui comprend les branches dommages aux biens, responsabilité civile, construction, environnement, lignes financières et sur lesquelles nous nous positionnons en tant qu’apériteur. Une part importante de notre portefeuille concerne par ailleurs l’accompagnement de nos clients sur les risques liés au transport : maritime (facultés et corps de navire), aéronautique (compagnies aériennes, aéroports et manufacturiers aéronautiques, aviation générale), automobile (couverture de flottes à l’international) et spatial (satellites), secteur pour lequel nous sommes l’un des rares assureurs à proposer des solutions. Et le troisième bloc, celui des spécialités, lancé sur le marché français il y a quatre ans, offre une gamme de solutions d’assurance pour les transactions de fusion-acquisition, les risques politiques, le risque terrorisme, l’activité œuvres d’art et la clientèle privée HNWI.

Quelles lignes sont en croissance ?

Notre priorité ces dernières années était de retrouver une profitabilité pérenne et une adéquation entre primes et risques sur la plupart des lignes. Grâce aux redressements des conditions tarifaires entamés depuis plusieurs années par les assureurs, le marché de l’assurance des grands risques est à présent beaucoup plus solide et Axa XL est aujourd’hui en mesure de croître, tout en faisant preuve de sélectivité. Notre stratégie sur les lignes traditionnelles et transport est de consolider nos expositions et de nous assurer que nous sommes capables d’absorber les chocs plutôt que de nous développer.

En revanche, les risques de spécialités connaissent un très fort développement et affichent une croissance à deux chiffres. Alors que le monde progresse collectivement vers un avenir à faible émission de carbone, la durabilité doit être au cœur de notre mission d’assureur. Nous avons aujourd’hui de fortes ambitions sur les énergies renouvelables, dont le nucléaire.

Quelles typologies de clients détenez-vous en portefeuille ?

Notre mission, avec l’aide des courtiers, est d’accompagner de manière pérenne les grandes entreprises issues du CAC 40 et du SBF 120 mais également les ETI, dont certaines sont des champions français de la croissance à l’international, dans la gestion de leurs risques. Nous partageons avec nos partenaires la même volonté de sophistiquer encore davantage les politiques de risk management, via la prévention, l’anticipation ou le mapping des risques. De la prévention à la gestion des sinistres, nos équipes sont reconnues pour leurs capacités à mettre en place des solutions holistiques, combinant assurance traditionnelle et non-traditionnelle par pays, par secteur et par nature de risque.

En matière d’accompagnement de nos clients sur les risques liés au climat, notre équipe Risk Consulting a, par exemple, développé des outils allant de la gestion de l’exposition aux inondations à la cartographie de la sensibilité environnementale. Nous travaillons par ailleurs en étroite collaboration avec Axa Climate qui propose des diagnostics d’évolutions climatiques pour aider les entreprises à se projeter à dix ans.

Publicis Re, Lactalis… que vous inspire la multiplication de nouvelles captives ?

De manière générale, nous accueillons avec intérêt l’apparition de nouvelles captives qui est un outil robuste de risk management pour nos clients. Pour nous, une captive est un signe fort de maturité et de responsabilisation. Dans la structuration d’un programme, avoir une captive signifie retenir plus de risque et améliorer sa qualité. En collaboration avec les courtiers, nous accompagnons la formation des captives depuis plus de trente ans.

Il y a un intérêt du gouvernement français et des entreprises compte tenu des situations de tensions de marché qui ont vu une accélération de ces outils. Il nous arrive régulièrement d’être en contact avec les risk managers pour évaluer avec eux les stratégies de leur captive, les positionnements techniques, et leur donner notre avis technique en termes de souscriptions, de gestions de sinistres.

Vous êtes président d’Assuratome. En matière de nucléaire, comment s’est déroulée la mise en application de l’évolution de la Convention de Paris à effet du 1er juillet dernier ?

La révision de la Convention de Paris a eu pour effet un changement majeur des couvertures obligatoires des exploitants nucléaires, notamment avec une prescription passée de dix à trente ans s’agissant des actions en réparation résultant de décès ou de dommages corporels et de nouveaux postes de préjudices. À noter tout de même que la France est l’un des rares pays dans lequel les exploitants nucléaires peuvent se doter d’une assurance privée conforme à l’ensemble des requis de la Convention de Paris révisée.

Si un risque est étendu dans sa matérialité, il est logique que les assureurs adoptent une tarification technique qui s’adapte à l’évolution de ce risque. Assuratome a développé sa solution de manière à être prêt à cette date et a accompagné, avec ses partenaires courtiers, les exploitants nucléaires afin de leur fournir l’exacte couverture prévue par l’évolution de la Convention de Paris.

Cela a été une longue phase de préparation et nous avons finalement obtenu des résultats satisfaisants. Tous nos clients ont conservé leurs polices souscrites par Assuratome. Quant aux postes de préjudices que les membres ne pouvaient pas couvrir, l’État a apporté son support pour compléter l’offre.

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