Marie-Laure Tournebize, directrice du département transport et logistique (WTW France)

« Les industriels doivent cartographier leurs risques supply chain »

Publié le 27 avril 2023 à 9h00

Louis Guarino    Temps de lecture 4 minutes

L’enquête sur les risques de la supply chain en 2023, réalisée par Willis Tower Watson (WTW), met l’accent sur les risques de grève et de vandalisme, mais aussi sur la cybercriminalité et la guerre. Marie-Laure Tournebize, directrice du département transport et logistique du courtier, décrypte les lignes forces de cette étude.

80 % des décideurs interrogés* estiment manquer de solutions d'assurance pour piloter leurs risques supply chain à l’horizon 2026-2028. C’est un taux colossal, non ?

C’est effectivement beaucoup mais il faut dissocier les risques d’entreprises et les risques assurables. Tous les grands groupes industriels disposent de produits d'assurance pour couvrir les risques de la supply chain : la garantie des marchandises en cours de transport, la garantie carence de fournisseurs dans les programmes dommages, les garanties risque de grève, les garanties risque de guerre. Pour les pertes d’exploitation sans dommages durant la pandémie, les assureurs ont eu à supporter des sinistres alors même que leur rôle est de couvrir un aléa… et qu’il n’y en avait plus au moment des confinements.

La crise de la Covid-19 a-t-elle tout changé en matière d’assurance ?

Depuis la pandémie, nous avons constaté qu’un grain de sable pouvait créer des dysfonctionnements notables, à l’instar de l’Ever Given, qui a bloqué le canal de Suez. Actuellement, notre plus gros grain de sable est la garantie risque de guerre. Depuis mars 2022, elle est exclue sur le territoire de l’Ukraine et en partie sur le territoire russe. Les sanctions économiques internationales à l’égard de la Russie se conjuguent à cette garantie désormais manquante. Le plus important pour les entreprises est d'organiser leur logistique pour leurs flux. Pour la disponibilité des moyens de transport, cela passe par la mise en place de partenariats privilégiés pour être prioritaire sur la disponibilité d’un conteneur ou sur les affrètements. L’important est de négocier avec les transporteurs, quel que soit le mode de transport, et intégrer des clauses dans les contrats commerciaux lorsque les matières premières ne sont pas livrées. En dernier lieu, cela peut passer par le transfert du risque au marché et l’assurance.

Face au risque cyber, que peuvent faire les opérateurs de transport ?

Dans la mesure où ce risque monte en puissance, les opérateurs doivent être eux-mêmes protégés contre ce risque tout en veillant à ce que leurs partenaires commerciaux le soient aussi. Si les systèmes informatiques sont hors service, il ne se passe plus rien, c’est encore plus vrai pour les transporteurs. Certaines compagnies maritimes ont été attaquées, à l’instar de Maersk en 2017, ce qui nous a poussés à concevoir un produit d’assurance dédié aux armateurs.

La garantie risque de grève est-elle incontournable en cas de blocage de marchandises ?

On l’a vu en France avec les gilets jaunes en 2018 : un blocage des flux de marchandises advient parce que les rues sont bloquées, les grévistes peuvent endommager les camions et les trains en circulation, ou encore les marchandises n’arrivent pas à destination ou sont livrées en retard, ce qui peut avoir des conséquences sur les lignes de production. La garantie risque de grève doit couvrir les dommages aux marchandises pendant le transport à bord d’un camion. S’il est stoppé par un piquet de grève et que les grévistes endommagent les produits frais qu’il contient, le fret sera couvert au titre de cette garantie. C’est un risque d’intensité normale au regard de l’ensemble des risques transport.

N’est-ce pas la question de l’intérêt financier d’une assurance qui est posée dans l’étude ?

Existe-t-il un intérêt à acheter de l’assurance ? Pour répondre à cette question, les industriels doivent se poser la question de la cartographie de leurs risques supply chain. Cela se fait dans les grands groupes, mais les PME/PMI, qui en auraient encore plus besoin, peuvent être freinées par le coût de cette prestation. Un tel travail dépend de plusieurs paramètres : taille de l’entreprise, thématique de la cartographie, périmètre couvert. En fonction de ces éléments, nous pouvons définir avec l’entreprise la méthodologie la plus appropriée et le budget qui va avec. Je précise enfin que le risque réputationnel, qui génère des conséquences financières non négligeables mais qui peut être couvert, est un dommage collatéral au risque de la supply chain qu’il ne faut pas négliger.

* « 2023 Global Supply Chain Risk Report », enquête réalisée en novembre et décembre 2022 auprès de 800 décideurs mondiaux (risk managers, directeurs logistiques et supply chain) opérant dans les secteurs des sciences de la vie, semi-conducteurs, alimentation, boissons et agriculture, logistique, construction, énergie et énergies renouvelables.

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