François Beaume et Alain Ronot, vice-présidents de l'Amrae

« Les (ré)assureurs exigent une connaissance approfondie des risques avant de souscrire »

Publié le 23 novembre 2023 à 9h00

Mehdi ElAouni    Temps de lecture 5 minutes

À l'occasion de la récente publication de son étude sur l'état du marché IARDT des grands risques, l'Amrae évoque une stabilité globale des capacités dédiées, malgré des incertitudes quant aux niveaux de tarification et conditions des contrats. En compagnie de ses deux vice-présidents, Alain Ronot et François Beaume, passage en revue des points essentiels à retenir dans le cadre des renouvellements 2024.

Quelle est votre synthèse du marché des grands risques pour 2024 ? 

Alain Ronot : Dans un contexte de marché globalement tendu, marqué par des augmentations tarifaires moyennes de l'ordre de 5%, la synthèse des tendances actuelles s'avère complexe et incertaine. Nous sommes sur un pic haussier, compliqué mais moins sévère que celui de l’année précédente. Toutefois, tant en termes de capacités disponibles que de tarifs, certaines branches sont en passe de se stabiliser.

Quels sont les principaux facteurs qui rythment cette campagne des renouvellements ? 

Alain Ronot : Il semble qu’il y ait deux éléments qui revêtent une importance cruciale dans l'analyse de la conjoncture actuelle. Premièrement, Il y a les risques géopolitiques qui ont des incidences sur le marché. En plus de l'inflation qui en dépit des signes de stabilisation persiste. Cette évolution positive de l'inflation mérite toutefois une observation attentive et confirmation lors des prochains mois.

Qu’en est-il de la branche construction ? 

François Beaume : En assurance construction, il est manifeste que les coûts des sinistres ont augmenté pour diverses raisons, notamment l'inflation. La réparation d'un bâtiment endommagé engendre des dépenses nettement plus élevées qu'il y a quelques années. Cette tendance ne s'observe pas uniformément dans toutes les branches. Toutefois, de manière globale, il est indéniable que les branches construction, dommages aux biens ou automobile, subissent l'impact de l'inflation sur les coûts de reconstruction ou de réparation, avec la hausse des prix des matières premières, des pièces de rechange, et en partie, de la main-d'œuvre.

Dans votre récente étude, vous signalez une tension en assurance crédit avec un «Stop & Go» de certains opérateurs. Cette situation était-elle attendue ?

François Beaume : Ce n'était pas vraiment attendu, mais c'est bel et bien le constat que nous faisons. En effet, l'an dernier, nous avons encore constaté une augmentation des garanties, marquant ainsi la phase «Go». Cependant, nous avons désormais basculé dans la phase «Stop», marquée par une diminution des garanties. Cette transition s'explique en grande partie par le fait que les assureurs-crédit n'avaient sans doute pas encore intégré pleinement dans leurs bilans l'impact des défaillances d'entreprises. Ces défaillances, en augmentation à l'échelle européenne, commencent à affecter les assureurs, qui réagissent en adoptant une approche plus sélective dans la souscription et la gestion de leur portefeuille.

Pourquoi mettez-vous l’accent sur le rôle primordial de la communication de la part des «risk managers» ?

Alain Ronot : L'évolution du marché de la (ré)assurance a été marquée par différentes phases, suite aux tensions fortes au début des années 2000. Il a d’abord connu une période caractérisée par le développement de la souscription d’affaires par les assureurs, limitant ainsi la nécessité de fournir des détails techniques approfondis. Actuellement, nous faisons face à un marché complexe, où l'absence d'informations techniques concernant la prévention et la protection, ainsi que l'explication précise des activités, entraîne des difficultés, voire l'impossibilité de trouver des garanties adaptées. Les (ré)assureurs exigent une connaissance approfondie des risques avant de souscrire.

François Beaume : Auparavant, le partage d'informations était moins prégnant, et des alternatives étaient envisageables tout en préservant des conditions compétitives. Désormais, il est impératif de fournir des informations de qualité, de plus en plus détaillées, afin que l'assureur puisse évaluer avec précision le risque qu'il s'apprête à couvrir. De cette manière, il peut aligner cette évaluation avec ses appétits de souscription, assurant ainsi une offre compétitive. Le risk manager doit anticiper la préparation de ces informations, en veillant à leur disponibilité et à leur qualité, tout en étant capable de les expliquer aux assureurs ou courtiers en fonction des questions complémentaires susceptibles d’être posées.

La prévention est-elle dès lors prise en compte dans les négociations, notamment sur les niveaux de primes ou sur la capacité ?

Alain Ronot : Dans les grands risques, il n'existe pas de relation mécanique ou mathématique directe. Il s'agit de cas très restreints. En mettant en œuvre des mesures de prévention sur certains risques spécifiques, l'objectif est plutôt d’obtenir une offre pour bénéficier de termes et conditions favorables. En d'autres termes, il s'agit de mettre en place des mesures préventives ciblées pour éviter d'éventuelles exclusions ou ne pas disposer d’offres du marché de l’assurance. C’est une démarche nécessaire, et une fois accomplie, elle n'a pas d'effet mécanique sur le niveau de prime, mais plutôt sur les termes et conditions qui sont ajustés au cas par cas en fonction des exigences spécifiques des assureurs.

Le cadre réglementaire des captives étant fixé, ces structures permettent-elles d’améliorer l’assurabilité des entreprises qui en sont dotées ?

François Beaume : Les captives constituent l’alternative la plus accessible pour de nombreuses raisons. La législation française adopte désormais un point de vue favorable à la création de nouvelles captives domiciliées en France. Pour une ETI n'exerçant son activité qu'en France, depuis l'entrée en vigueur du décret d'application, la possibilité de créer une captive adaptée à ses besoins fonctionnels s'est considérablement accrue. C’est un grand changement. Les autres dispositifs demeurent des solutions de niche, comme la titrisation, moins accessibles, notamment aux ETI.

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